Recommandations de la SFTA pour la réalisation des analyses toxicologiques dans les cas de décès impliquant des NPS – version 2019

 

SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes for deaths involving NPS – 2019 version

Mots clés : recommandations, décès, nouveaux produits de synthèse, analyse toxicologique, SFT
Keywords: guidelines, deaths, new psychoactive substances, toxicological analysis, SFTA

version.pdf

Faisant suite à une première réunion le 6 juillet 2017 (1, 2), des experts en toxicologie de laboratoires institutionnels et privés se sont réunis le 14 juin 2019 en vue d’établir des recommandations pour la réalisation d’investigations toxicologiques dans le cas de décès impliquant les nouveaux produits de synthèse (NPS). L’expertise toxicologique de référence, telle que mentionnée dans l’arrêté du 29 septembre 2017 et complétée par la circulaire du 6 novembre 2017 de la Direction des Services Judiciaires, comprend l’identification et le dosage des NPS par chromatographie avec détection par spectrométrie de masse (point I.f).

Les NPS désignent un éventail hétérogène de substances psychoactives qui imitent les effets de différents médicaments ou produits illicites. Principalement issues de la recherche scientifique, puis reproduites par des laboratoires clandestins pour échapper à la loi sur les stupéfiants, les premières substances identifiées en France remontent à 2008. Depuis, essentiellement quatre familles de NPS ont envahi le marché : les cannabinoïdes de synthèse (spices), les cathinones, les opioïdes de synthèse et les benzodiazépines de synthèse. Du fait de complications cliniques reconnues, les cannabinoïdes de synthèse font leur apparition dans cette liste de recommandations, malgré un nombre limité de cas rapportés à ce jour en France.

L’objectif de ces recommandations est de proposer une approche raisonnable dans la mise en place d’une stratégie analytique dans le cadre de la détermination de la cause de la mort impliquant des NPS. Plusieurs points ont été fixés, tels que la liste minimale de NPS à rechercher, les milieux biologiques à analyser, les éventuels métabolites à rechercher et la stabilité des analytes.

Liste minimale de NPS

Chaque participant au groupe de travail a été invité à présenter les molécules observées dans sa pratique courante au cours des dernières années. La synthèse de ces données a permis d’établir une liste de base couvrant l’essentiel des cas positifs. Cette liste n’est pas exhaustive et certaines particularités géographiques doivent être prises en compte.

  • Opioïdes de synthèse : ocfentanil, carfentanil, furanylfentanyl, U-47700, désomorphine et le 4-ANPP, bio-marqueur proposé pour les dérivés du fentanyl (3)
  • Benzodiazépines de synthèse : diclazépam, étizolam, métizolam, flubromazolam, flunitrazolam, phénazépam, deschloroétizolam
  • Cathinones : α-PVP, α-PHP, MPHP, MDPHP, méphédrone (4-MMC), 3-MMC, 4-MEC, methcathinone, ethcathinone, chloroethcathinone, méthylènedioxypyrovalérone, benzylpipérazine, métachlorophenylpiperazine, trifluoromethylphenylpiperazine, butylone, éthylone, éphylone, méthylone, pentédrone, 4-MEAP, 4-méthylpentédrone
  • Autres dérivés des phenéthylamines et autres NPS : Ethylphenidate, Diphenidine, 25I-NBOMe, Methoxethamine, Methiopropamine, 5-MeO-DALT, 2C-E, 2C-I, 2-Fluoroamphétamine, 4-Fluoroamphétamine, 4-MTA, 3F-Phenmetrazine, 5-iodo-2-aminoindane, 6-APDB, 5-APB, 5-MAPB, 5-APDB, 3-MeO-PCP, 4-MeO-PCP, Méthoxyphénidine (MXP)
  • Cannabinoïdes de synthèse* : JWH-018, AB-PINACA, SGT-151, 5F-ADB

*Liste non exhaustive, pouvant être complétée par tout produit ayant fait l’objet d’une saisie en lien avec le cas, tout en tenant compte des faibles concentrations circulantes et de la forte métabolisation.

En complément de cette liste, le groupe de travail a suggéré d’inclure les molécules suivantes parfois retrouvées en association avec les NPS : kétamine, LSD, méthylphenidate, dextrométhorphane, GBL/GHB et toute autre molécule liée à un contexte spécifique (ex : sildénafil / tadalafil / vardénafil en situation de Chemsex).

Une revue de la littérature, très complète, a été récemment publiée sur les décès impliquant les NPS (4).

Milieux biologiques

Trois milieux biologiques sont recommandés en toxicologie médico-judiciaire : le sang périphérique, l’urine et les cheveux.

Le sang périphérique est le milieu biologique de référence, puisqu’il permet d’établir le seuil de toxicité en l’imputant directement à une molécule quantifiée. L’urine est également recommandée en raison de concentrations (molécule mère et/ou métabolites) souvent plus importantes que dans le sang et pour sa facilité d’analyse. Enfin, l’analyse segmentaire des cheveux permet d’obtenir des informations sur le profil de consommation du sujet. Dans le domaine du dépistage de l’usage des NPS, d’autres matrices, telles que la salive, peuvent également présenter un intérêt.

Stabilité pré-analytique

Les éventuelles instabilités in vitro doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Des données éparses sont disponibles dans la littérature et il a été mis en évidence une instabilité dans le sang de la méphédrone et de la 3-MMC. Il conviendra pour chaque laboratoire de vérifier cette stabilité des analytes. A ce jour, en absence d’étude spécifique, les recommandations habituelles en matière de conservation des échantillons à caractère médico-judiciaire s’appliquent.

Méthodes d’analyses

Il existe des tests de dépistages urinaires reposant sur des méthodes immunochimiques. Ces tests concernent spécifiquement certains NPS (ex : fentanyl) ou certaines familles de molécules (ex : cathinones de synthèse). Leur utilisation est restreinte à une étape de dépistage, et assujettie à des sensibilités variables, en fonction des taux de réactions croisées.

Si la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) peut permettre la discrimination de certains isomères (ex : méphédrone/3-MMC, 3-MeO-PCP/4-MeO-PCP), la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse apparait comme l’approche analytique de choix pour la recherche et/ou le dosage des NPS. Les méthodes chromatographiques, en particulier la chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution, offre des possibilités de criblage plus large, d’identification et de dosage plus efficients.

Le contenu des bases de données des spectres de masse est dépendant du mode d’ionisation, du type de détecteur et du mode d’acquisition. Autrement dit, et contrairement à la GC-MS (impact électronique-MS) pour laquelle les informations analytiques peuvent être échangées d’un laboratoire à un autre, le partage des données analytiques obtenues par chromatographie en phase liquide couplé à la spectrométrie de masse est compliqué par la diversité des matériels et procédures d’analyses.

Par ailleurs, l’identification formelle du NPS présent dans les milieux biologiques, et la détermination de sa concentration, nécessitent de disposer de la molécule sous forme de substance pure. Les produits purs ne sont pas toujours disponibles auprès des fournisseurs habituels, et une limite financière peut exister. D’autres solutions pour les produits non classés (achats sur l’Internet, utilisation de produits recueillis auprès de victimes, d’utilisateurs) peuvent être envisagées, sous réserve d’une identification et d’une vérification de leur pureté, en utilisant par exemple des techniques de résonance magnétique nucléaire (RMN).

Enfin, les méthodes analytiques doivent présenter des limites de détection adaptées aux concentrations biologiques observées en cas d’usage. Ce point est particulièrement critique pour les NPS présentant (i) un ratio dose/effet faible (ex : opioïdes de synthèse, NBOMes, designer benzodiazepines) et en conséquence, des concentrations circulantes faibles, et/ou (ii) une métabolisation intense (ex : cannabinoïdes de synthèse). De ce fait, la recherche de certains métabolites peut permettre de réduire le risque de résultats faussement négatifs (lorsque la concentration sanguine de la substance mère est très faible et/ou lorsque le prélèvement est réalisé à distance de la prise).

D’une manière générale, il est important de travailler en réseau entre analystes et de sensibiliser les addictologues, les médecins légistes et les toxicologues cliniciens à ce problème d’obtention de substances pures (produits non classés) afin que, dans leur pratique (prise en charge d’intoxications) l’idée de pouvoir transmettre au toxicologue analyste le produit pur suspecté en même temps que les échantillons biologiques, soit rémanente.

Références

  1.  Ameline A, Aknouche F, Alvarez JC et al. SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes in case of deaths involving NPS in France. TIAFT Bulletin 2017;47(4);16-18.
  2. SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes for deaths involving NPS. Toxicol Anal Clin. 2018;30:1-4.
  3. Salomone A, Palamar J, Bigiarini R et al. Detection of Fentanyl Analogs and Synthetic Opioids in Real Hair Samples. J Anal Toxicol. 2019;43(4):259–265.
  4. Kraemer M, Boehmer A, Madea B, Maas A. Death cases involving certain psychoactive substances: A review of the literature. Forensic Sci Int. 2019;298:186-267.

 

Ont participé à ce groupe de travail (édition 2019) : Alice Ameline, Jean-Claude Alvarez, Véronique Dumestre, Hélène Eysseric, Jean-Michel Gaulier, Pascal Kintz, Laurence Labat, Bénédicte Lelievre, Aurélie Muckensturm, Anne-laure Pélissier et Camille Richeval

Pas de conflit d’intérêt

Auteur correspondant : Pascal Kintz