Recommandations de la SFTA pour la réalisation des analyses toxicologiques impliquant des NPS – version 2021

SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes involving NPS – 2021 version

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Mots clés : recommandations, décès, abus, nouveaux produits de synthèse, analyse toxicologique, SFTA
Keywords: guidelines, deaths, abuse, new psychoactive substances, toxicological analysis, SFTA

Faisant suite aux premières réunions du 6 juillet 2017, du 14 juin 2019 et du 11 mars 2020 (1-3), des analystes de la SFTA se sont réunis le 15 novembre 2021 en vue d’établir des recommandations pour la réalisation d’investigations toxicologiques dans les cas impliquant les nouveaux produits de synthèse (NPS).

Cette nouvelle version de recommandations concerne à la fois des situations cliniques d’exposition aux NPS chez le vivant et les décès rencontrés dans la pratique de toxicologie biologique ou médico-judiciaire. Dans ce dernier domaine, il est notable que l’expertise toxicologique de référence, telle que mentionnée dans l’arrêté du 29 septembre 2017 et complétée par la circulaire du 6 novembre 2017 de la Direction des Services Judiciaires, comprend l’identification et le dosage des NPS par chromatographie avec détection par spectrométrie de masse (point I.f).

L’ensemble des participants à cette réunion confirme qu’il n’y a pas eu de modification majeure des profils de consommations par rapport à ce qui avait été noté 18 mois plus tôt.

 Les NPS désignent un éventail hétérogène de substances psychoactives qui imitent et amplifient les effets de différents médicaments ou produits illicites ou non encore classés. Principalement issues de la recherche scientifique, puis reproduites par des laboratoires clandestins pour échapper à la loi sur les stupéfiants, les premières substances identifiées en France remontent à 2008. Depuis, essentiellement deux familles de NPS ont envahi le marché : les cannabinoïdes de synthèse (spices) et les cathinones, mais d’autres familles semblent pouvoir émerger telles que celles des dérivés de la kétamine.

L’objectif de ces recommandations est de proposer une approche raisonnable dans la mise en place d’une stratégie dans le cadre des investigations toxicologiques impliquant des NPS. Plusieurs points ont été fixés, tels que les NPS à rechercher, les milieux biologiques à analyser, les éventuels métabolites à rechercher et la stabilité des analytes.

Liste recommandée de NPS

Chaque participant au groupe de travail a été invité à présenter les molécules observées dans sa pratique courante au cours des dernières années. La synthèse de ces données a permis d’établir une liste de base, mise à jour, couvrant l’essentiel des cas positifs. Cette liste n’est pas exhaustive et certaines particularités géographiques doivent être prises en compte.

  • Cathinones : α-PVP, 4Cl-α-PVP,4F-3méthyl-α-PVP α-PHP, MPHP, MDPHP, méphédrone (4-MMC), 3-MMC, 4-MEC, methcathinone, ethcathinone, chloroethcathinone, méthylènedioxypyrovalérone, benzylpipérazine, métachlorophenylpiperazine, trifluoromethylphenylpiperazine, butylone, éthylone, éphylone, méthylone, pentédrone, 4-MEAP, 4-méthylpentédrone, N-éthylhexédrone, 4-CEC
     
  • Cannabinoïdes de synthèse* : JWH-018, AB-PINACA, SGT-151, 4F-ADB, 5F-ADB, 5F-AKB48, 5F-AKB57, 5F-MBMB-PICA, 5F-MDMB-2201, MDMB-4enPINACA, ADB-PINACA, AB-FUBINACA, AKB48, FUB-AMB, 4F-MDMB-BINACA, 5F-MDMB-PICA, AMB-FUBINACA, JWH-210, JWH-250
     
  • Opioïdes de synthèse : ocfentanil, carfentanil, furanylfentanyl, U-47700, désomorphine, O-desméthyltramadol, 2-méthyl AP 237 et le 4-ANPP, bio-marqueur proposé pour les dérivés du fentanyl (4)
     
  • Benzodiazépines de synthèse : diclazépam, étizolam, métizolam, flubromazolam, flunitrazolam, phénazépam, deschloroétizolam, clonazolam, chlorodiazépam
     
  • Autres dérivés des phenéthylamines et autres NPS :

- methoxethamine, deschloro-kétamine, 2-FDCK, N-éthyl-DCK (O-PCE), 3-MeO-PCE, 3-MeO-PCP, 4-MeO-PCP, 3-HO-PCP, méthoxyphénidine (MXP), diphenidine

- diméthyltryptamine, 5-MeO-DALT, 5-MeO-DMT, 4HO-MiPT, 4HO-DET, AMT, 4HO-DPT

- éthylphenidate, isopropylphénidate, 4-fluorométhylphénidate,

- 25I-NBOMe, 25C-NBOMe, , methiopropamine, 2C-E, 2C-I, 2-fluoroamphétamine, fluoromethamphétamine, fluoroethamphétamine, 4-fluoroamphétamine, 4-MTA, DOC, 3F-phenmetrazine, 5-iodo-2-aminoindane, 6-APDB, 5-APB, 5-MAPB, 5-APDB, 2C-B-fly, propionyl-LSD, 1cP-LSD

*Liste non exhaustive, pouvant être complétée par tout produit ayant fait l’objet d’une saisie en lien avec le cas, tout en tenant compte des faibles concentrations circulantes et de la forte métabolisation. A ce titre, des limites d’identification de l’ordre de 1 ng/ml sont recommandées.

Les molécules les plus fréquemment rencontrées ont été soulignées.

En complément de cette liste, le groupe de travail a suggéré d’inclure dans les recherches toxicologiques les molécules suivantes car retrouvées en association avec les NPS : kétamine, LSD, méthylphenidate, dextrométhorphane, GBL/GHB, mitragynine, MDMA, methamphétamine, prégabaline, gabapentine, et toute autre molécule liée à un contexte spécifique (ex : sildénafil / tadalafil / vardénafil en situation de Chemsex).

Une revue de la littérature, très complète, a été récemment publiée sur les décès impliquant les NPS (5).

Milieux biologiques

Plusieurs milieux biologiques sont recommandés : le sang périphérique ou le plasma / sérum, l’urine et les cheveux ou les ongles.

Le sang périphérique est le milieu biologique de référence en toxicologie médico-légale, puisqu’il permet d’établir le seuil de toxicité en l’imputant directement à une molécule quantifiée. En toxicologie biologique, le plasma ou le sérum est également le milieu à privilégier. Le prélèvement se fera de préférence sur tube héparine-lithium ou fluorure (le prélèvement DBS peut également s’envisager). L’urine est également recommandée en raison de concentrations (molécule mère et/ou métabolites) souvent plus importantes que dans le sang et pour sa facilité d’analyse. Enfin, un prélèvement de cheveux est fortement préconisé car l’analyse segmentaire capillaire permet d’obtenir des informations sur le profil de consommation du sujet. Dans le domaine du dépistage de l’usage des NPS, d’autres matrices biologiques, telles que la salive ou les ongles (en particulier des pieds pour les cannabinoïdes de synthèse), peuvent également présenter un intérêt.

Stabilité pré-analytique

Les éventuelles instabilités in vitro doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Des données éparses sont disponibles dans la littérature et il a été mis en évidence une instabilité dans le sang de la méphédrone, 25I-NBOMe et de la 3-MMC. Il conviendra pour chaque laboratoire de vérifier cette stabilité des analytes. A ce jour, en absence d’étude spécifique, les recommandations habituelles en matière de conservation des échantillons à caractère médico-judiciaire s’appliquent

Méthodes d’analyses

Il existe des tests de dépistages urinaires reposant sur des méthodes immunochimiques. Ces tests concernent spécifiquement certains NPS (ex : fentanyl) ou certaines familles de molécules (ex : cathinones de synthèse). Leur utilisation est restreinte à une étape de dépistage, et assujettie à des sensibilités variables, en fonction des taux de réactions croisées.

Si la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) peut permettre la discrimination de certains isomères (ex : méphédrone/3-MMC, 3-MeO-PCP/4-MeO-PCP), la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse apparait comme l’approche analytique de choix pour la recherche et/ou le dosage des NPS. Les méthodes chromatographiques, en particulier la chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution, offre des possibilités de criblage plus large, d’identification et de dosage plus efficients. Après mise à jour régulière des bibliothèques de spectres, le criblage par GC-MS peut présenter une approche satisfaisante.

Le contenu des bases de données des spectres de masse est dépendant du mode d’ionisation, du type de détecteur et du mode d’acquisition. Autrement dit, et contrairement à la GC-MS (impact électronique-MS) pour laquelle les informations analytiques peuvent être échangées d’un laboratoire à un autre, le partage des données analytiques obtenues par chromatographie en phase liquide couplé à la spectrométrie de masse est compliqué par la diversité des matériels et procédures d’analyses.

Par ailleurs, l’identification formelle du NPS présent dans les milieux biologiques, et la détermination de sa concentration, nécessitent de disposer de la molécule sous forme de substance pure. Les produits purs ne sont pas toujours disponibles auprès des fournisseurs habituels, et une limite financière peut exister. D’autres solutions pour les produits non classés (achats sur l’Internet, utilisation de produits recueillis auprès de victimes, d’utilisateurs) peuvent être envisagées, sous réserve d’une identification et d’une vérification de leur pureté, en utilisant par exemple des méthodes d’analyse par résonance magnétique nucléaire (RMN).

Enfin, les méthodes analytiques doivent présenter des limites de détection adaptées aux concentrations biologiques observées en cas d’usage. Ce point est particulièrement critique pour les NPS présentant (i) un ratio dose/effet faible (ex : opioïdes de synthèse, NBOMes, designer benzodiazepines) et en conséquence, des concentrations circulantes faibles, et/ou (ii) une métabolisation intense (ex : cannabinoïdes de synthèse). De ce fait, la recherche de certains métabolites peut permettre de réduire le risque de résultats faussement négatifs (lorsque la concentration sanguine de la substance mère est très faible et/ou lorsque le prélèvement est réalisé à distance de la prise).

D’une manière générale, il est important de travailler en réseau entre analystes et addictovigilants afin de sensibiliser les addictologues, les médecins légistes et les toxicologues cliniciens à ce problème d’obtention de substances pures (produits non classés) afin que, dans leur pratique (prise en charge d’intoxications) l’idée de pouvoir transmettre au toxicologue analyste le produit pur suspecté en même temps que les échantillons biologiques, soit rémanente.

 

Références

1. SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes for deaths involving NPS. Toxicol Anal Clin. 2018;30:1-4.

2. SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes for deaths involving NPS. Toxicol Anal Clin. 2019;31:337-339.

3. SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes involving NPS – version 2020. Toxicol Anal Clin. 2020 ;32 :89-91

4. Salomone A, Palamar J, Bigiarini R et al. Detection of Fentanyl Analogs and Synthetic Opioids in Real Hair Samples. J Anal Toxicol. 2019;43:259–265.

5. Kraemer M, Boehmer A, Madea B, Maas A. Death cases involving certain psychoactive substances: A review of the literature. Forensic Sci Int. 2019;298:186-267.

Ont participé à ce groupe de travail (édition 2021) : Alice Ameline, Jean-Claude Alvarez, Véronique Dumestre, Hélène Eysseric, Jean-michel Gaulier, Jean-Pierre Goullé, Pascal Houzé, Pascal Kintz, Laurence Labat, Bénédicte Lelièvre et Anne-Laure Pélissier

Pas de conflit d’intérêt

Auteur correspondant : Pascal Kintz