Recommandations de la SFTA pour la réalisation des analyses toxicologiques impliquant des NPS – version 2024

SFTA guidelines for the achievement of toxicological analyzes involving NPS – 2024 version

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Mots clés : recommandations, décès, abus, nouveaux produits de synthèse, analyse toxicologique, SFTA

Keywords: guidelines, deaths, abuse, new psychoactive substances, toxicological analysis, SFTA

Des analystes de la SFTA se sont réunis le 18 juin 2024 en vue d’établir des recommandations pour la réalisation d’investigations toxicologiques dans les cas impliquant les nouveaux produits de synthèse (NPS).

Cette nouvelle version de recommandations concerne à la fois des situations cliniques d’exposition aux NPS chez le vivant et les décès rencontrés dans la pratique de toxicologie biologique ou médico-judiciaire. Dans ce dernier domaine, il est notable que l’expertise toxicologique de référence, telle que mentionnée dans l’arrêté du 29 septembre 2017 et complétée par la circulaire du 6 novembre 2017 de la Direction des Services Judiciaires, comprend l’identification et le dosage des NPS par chromatographie avec détection par spectrométrie de masse.

Les NPS désignent un éventail hétérogène de substances psychoactives qui imitent et souvent amplifient les effets de différents médicaments ou produits illicites ou non encore classés. Principalement issues de la recherche scientifique, puis reproduites par des laboratoires clandestins pour échapper à la loi sur les stupéfiants, les premières substances identifiées en France remontent à 2008. Depuis, essentiellement trois familles de NPS ont envahi le marché : les cannabinoïdes de synthèse, les cathinones et les dérivés de la kétamine, mais d’autres familles semblent pouvoir émerger telles que celles des nouveaux opioïdes de synthèse et « designer benzodiazepines ».

L’objectif de ces recommandations est de proposer une approche raisonnable dans la mise en place d’une stratégie analytique dans le cadre des investigations toxicologiques impliquant des NPS. Plusieurs points ont été établis, tels que les NPS à rechercher, les milieux biologiques à analyser, les éventuels métabolites à caractériser et la stabilité des analytes.

 

Milieux biologiques et non-biologiques

Plusieurs milieux biologiques sont recommandés : le sang périphérique ou le plasma/sérum, l’urine et les cheveux. D’autres milieux pourraient également être envisagés tels que les ongles et la salive.

Le sang périphérique est le milieu biologique de référence en toxicologie médico-légale, puisqu’il permet d’établir le seuil de toxicité en l’imputant directement à une molécule quantifiée. En toxicologie biologique, le plasma ou le sérum sont également les milieux à privilégier. Le prélèvement se fera de préférence sur tube héparine-lithium ou fluorure mais le prélèvement d’une goutte de sang séché ou DBS (Dried Blood Spot) peut également s’envisager. L’urine est également recommandée en raison de concentrations (molécule mère et/ou métabolites) souvent plus importantes que dans le sang et pour sa facilité d’analyse. Enfin, un prélèvement de cheveux est fortement préconisé car l’analyse segmentaire capillaire permet d’obtenir des informations sur le profil de consommation du sujet.

Afin de faciliter l’identification des NPS, les produits présents sur la scène ou dans les poches du consommateur doivent être recueillis et transmis au laboratoire.

 

Stabilité pré-analytique

Les éventuelles instabilités in vitro doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Dans la littérature, il a été mis en évidence une instabilité dans le sang de certains NPS, comme la 3-MMC, la 4-MMC, la 4-CMC et la 25I-NBOMe. Les cathinones sont stables dans l’urine lorsqu’elles sont conservées congelées. Il conviendra pour chaque laboratoire de vérifier cette stabilité des analytes. A ce jour, en l’absence d’étude spécifique, les recommandations habituelles en matière de conservation des échantillons à caractère médico-judiciaire s’appliquent et notamment une congélation précoce.

 

Méthodes d’analyses

Il existe des tests de dépistages reposant sur des méthodes immunochimiques. Ces tests concernent certaines familles de molécules (ex : cathinones de synthèse, fentanyloïdes, « designer benzodiazepines », cannabinoïdes de synthèse). Leur utilisation est restreinte à une étape de dépistage, et assujettie à des sensibilités variables, en fonction des taux de réactions croisées.

Si la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) peut permettre la discrimination de certains isomères (ex : 2-MMC/3-MMC/4-MMC), la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem apparait comme l’approche analytique de choix pour la recherche et/ou le dosage des NPS. Les méthodes chromatographiques, en particulier la chromatographie liquide avec une détection par spectrométrie de masse haute résolution (HRMS), offrant des possibilités de criblage et d’identification plus larges représentent le « gold standard ». Comme pour l’HRMS, après une mise à jour régulière des bibliothèques de spectres, le criblage par GC-MS présente une alternative satisfaisante.

L’identification formelle du NPS présent dans les milieux biologiques, et la détermination de sa concentration, nécessitent de disposer de la molécule sous forme de substance pure. Les produits purs ne sont pas toujours disponibles auprès des fournisseurs habituels, et une contrainte financière peut exister. D’autres solutions pour les produits non classés (achats sur l’Internet, utilisation de produits recueillis auprès de victimes, d’utilisateurs) peuvent être envisagées, sous réserve d’une identification et d’une vérification de leur pureté, en utilisant par exemple des méthodes d’analyse par résonance magnétique nucléaire (RMN).

Enfin, les méthodes analytiques doivent présenter des limites de détection adaptées aux concentrations biologiques observées en cas d’usage. Ce point est particulièrement critique pour les NPS présentant (i) un ratio dose/effet faible (ex : nouveaux opioïdes de synthèse, NBOMes, « designer benzodiazepines ») et en conséquence, des concentrations circulantes faibles, et/ou (ii) une métabolisation intense (ex : cannabinoïdes de synthèse). De ce fait, la recherche de certains métabolites peut permettre de réduire le risque de résultats faussement négatifs (lorsque la concentration sanguine de la substance mère est très faible et/ou lorsque le prélèvement est réalisé à distance de l’exposition).

La participation à un programme d’évaluation externe de la qualité, tel que celui proposé par la SFTA, est fortement recommandée.

 

Liste recommandée de NPS

Chaque participant au groupe de travail a été invité à présenter les molécules observées dans sa pratique courante au cours des dernières années. La synthèse de ces données a permis d’établir une liste de base, mise à jour, couvrant l’essentiel des cas positifs. Cette liste n’est pas exhaustive et certaines particularités géographiques doivent être prises en compte.

  • Cathinones : 3-CMC, 4-CMC, α-PVP, α-PHP, α-PHiP, MDPHP, 4-MMC, 3-MMC, 2-MMC, 4-MEC, methcathinone, ethcathinone, 4-chloroethcathinone, MDPV, butylone, méthylone, pentédrone, eutylone, dipentylone, N-éthylpentedrone, 4-méthylpentédrone, N-éthylhexédrone, CDMC
  • Cannabinoïdes de synthèse : JWH-018, AB-PINACA, 4F-ADB, 5F-ADB, 5F-AKB48, MDMB-4en-PINACA, ADB-PINACA, AB-FUBINACA, AKB48, AMB-FUBINACA, JWH-210, JWH-250, ADB-BUTINACA, MDMB-BUTINACA, ADB-4en-PINACA
  • Opioïdes de synthèse : ocfentanil, carfentanil, furanylfentanyl et le 4-ANPP, biomarqueur proposé pour les dérivés du fentanyl, U-47700, isotonitazène, protonitazène, métonitazène et le 4-OH-nitazène, biomarqueur proposé pour les dérivés des nitazènes
  • Designer benzodiazepines: diclazépam, étizolam, métizolam, flubromazolam, flunitrazolam, phénazépam, deschloroétizolam, clonazolam, chlorodiazépam, bentazépam, pyrazolam, gidazépam, bromazolam, norflurazépam
  • Autres dérivés des phenéthylamines et autres NPS :
    • methoxethamine, deschloro-kétamine (DCK), 2-FDCK, N-éthyl-DCK (O-PCE), 3-MeO-PCE, 3-MeO-PCP, 4-MeO-PCP, méthoxyphénidine (MXP), diphenidine
    • diméthyltryptamine (DMT), 4OH-MPT
    • éthylphenidate, isopropylphénidate, 4-fluorométhylphénidate, éthylnaphtidate
    • 2-fluoroamphétamine, 4-fluoromethamphétamine, 4-fluoroamphétamine, 3F-phenmetrazine, 5-iodo-2-aminoindane, 5-APB, 5-MAPB, 2C-B, 1cP-LSD

Les molécules les plus fréquemment rencontrées ont été soulignées et constituent, à minima, ce qui doit être testé dans le cadre de l’expertise toxicologique de référence.

En complément de cette liste, le groupe de travail a suggéré d’inclure dans les recherches toxicologiques les molécules suivantes car retrouvées en association avec les NPS : kétamine, LSD, psilocine, méthylphenidate, dextrométhorphane, GBL/GHB, mitragynine, mescaline, MDMA, methamphétamine, prégabaline, gabapentine, et toute autre molécule liée à un contexte spécifique (ex : sildénafil / tadalafil / vardénafil et les poppers en situation de Chemsex).

 

D’une manière générale, il est important de travailler en réseau entre analystes et addictovigilants afin de sensibiliser les addictologues, les médecins légistes et les autres cliniciens à ce problème d’obtention de substances pures (produits non classés) afin que, dans leur pratique (prise en charge d’intoxications) l’idée de pouvoir transmettre au toxicologue analyste le produit suspecté en même temps que les échantillons biologiques, soit rémanente.

 

Référence pour en savoir plus

https://www.drogues.gouv.fr/sites/default/files/2024-05/Brochure_NPS_2024.pdf, site consulté le 18 juin 2024

Ont participé à ce groupe de travail (édition 2024) : Jean-Claude Alvarez, Alice Ameline, Nadia Arbouche, Véronique Dumestre-Toulet, Nicolas Fabresse, Alexandr Gish, Pascal Kintz, Amine Larabi, Anne-Laure Pélissier-Alicot, Théo Willeman

Pas de conflit d’intérêt

Auteur correspondant : Pascal Kintz, pascal.kintz@wanadoo.fr
Institut de médecine légale
11 rue Humann, 67000 Strasbourg