Recommandations pour la réalisation d’une expertise toxicologique médico-judiciaire dans le cadre d’un décès en condition de sédation profonde
Ce document s’inscrit dans le cadre de la loi du 2 février 2016 (2016-87) créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
La loi Léonetti de 2005 visait à limiter l'acharnement thérapeutique. Elle a reposé sur une éthique fondée sur l'acceptation de la mort et a confirmé et codifié des pratiques existantes, comme l'absence d'obstination déraisonnable ou le droit au refus de soins, mais a exclu toutefois explicitement le suicide assisté et l'interruption du processus vital des personnes en fin de vie.
Une nouvelle loi a été votée sous l’impulsion des députés Jean Léonetti (UMP) et Alain Claeys (PS). Ce texte reconnaît un droit à la sédation profonde et continue associée à une analgésie, pour accompagner l’arrêt de traitement dans 2 hypothèses où le patient en ferait la demande : lorsqu’un malade conscient est atteint d’une maladie grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et souffre de symptômes réfractaires au traitement, ou lorsque la décision est prise par le malade conscient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement de maintien en vie et que cet arrêt engage son pronostic vital. Enfin, lorsque le patient est inconscient, dans le cadre d’un refus d’acharnement thérapeutique, la loi s’applique également.
La mise en place d’une sédation profonde et continue et d’une analgésie est associée à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie (respirateur artificiel, techniques invasives de réanimation, antibiotiques, anticoagulants, nutrition, hydratation …).
Il faut pouvoir distinguer la sédation à visée palliative, qui répond à une indication médicale ou à une demande de l’intéressé, d’une personne de confiance, de proches ou de directives anticipées, de la sédation à visée euthanasique.
Les recommandations ci-dessous sont issues d’une concertation entre la Société Français de Toxicologie Analytique (SFTA), la Société Française de Médecine Légale (SFML) et la Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR).
Informations à obtenir
Le dossier médical du patient doit être communiqué au médecin légiste qui transmettra au toxicologue analyste la liste des molécules administrées, leurs voies d’administration et leurs schémas posologiques.
Prélèvements à réaliser
Au cours de l’autopsie médicolégale, les prélèvements suivants doivent être réalisés : sang cardiaque, sang périphérique (2 x 10 mL), urines (2 x 10 mL), bile, humeur vitrée, contenu gastrique, cheveux (3 mèches orientées).
Familles pharmacologiques à rechercher spécifiquement
- benzodiazépines et leurs métabolites, incluant nécessairement le midazolam
- analgésiques : morphine, fentanyl et dérivés
- diurétique : furosémide*
- anesthésiques et leurs métabolites : propofol, thiopental, kétamine
- scopolamine**
- curares***
(*) Si la sédation profonde se prolonge, la déshydratation se voit sur le visage, la sensation de soif et de faim pourrait se ressentir. Dans ces conditions, il est possible d’accélérer le processus en administrant des diurétiques.
(**) La scopolamine est indiquée dans les râles agoniques liés à l’encombrement des voies aériennes supérieures par excès de sécrétions salivaires et dans les situations terminales d’encombrement laryngé ou bronchique.
(***) Cette recherche permet de faire la discrimination entre sédation à visée palliative (pas de curare) et la sédation à visée euthanasique (présence de curare).
Interprétation
Selon les termes de la loi, il convient d’évaluer la chronologie de l’administration des substances actives. A cet effet, le rapport morphine non conjuguée / morphine totale doit être établi dans le sang. De même, le dosage des métabolites sanguins et urinaires doit être pratiqué pour toutes les molécules identifiées. Seule une analyse segmentaire de cheveux peut permettre de documenter les expositions aux sédatifs et analgésiques à long terme ou le caractère naïf du sujet.
Afin que l’interprétation soit la plus complète possible, le dossier médical doit être pris en compte dans la rédaction de la synthèse.
Une interprétation rigoureuse doit compléter le rapport, en développant en particulier la pharmacocinétique de chaque médicament, les variations interindividuelles et la spécificité de ces patients.
Cotation
La mise en place d’analyses spécifiques, comme le rapport morphine non conjuguée / morphine totale, le dosage quantitatif de certaines molécules et de leurs métabolites et l’analyse segmentaire des cheveux doit être proposée en sus du screening toxicologique de référence pour une cotation de 10 heures d’expertise.
Ont participé à ce groupe de travail :
Pour la SFTA : Anne-Laure Pélissier, Hélène Eysseric, Marc Deveaux, Jean-Michel Gaulier, Jean-Claude Alvarez, Pascal Kintz (responsable)
Pour la SFML : Laurent Fanton
Pour la SFAR : Laurent Beydon